Le trail running a été une passion pendant de nombreuses années. A travers le trail je combinais mon amour pour la montagne et mon envie de me dépasser. J’aimais la sensation de liberté que procure la course sur terrain naturel, sans montre ni GPS, pour le simple plaisir de ressentir la nature autour de moi. Cependant, après plusieurs années à courir en montagne, j’ai pris la décision d’arrêter. Ce choix n’a pas été facile, mais il s’est imposé pour plusieurs raisons, tant personnelles que liées à l’évolution de cette pratique. Aujourd’hui, je souhaite partager ce qui m’a poussé à tourner la page sur le trail running au profit d’activités plus lentes et contemplatives.
Le début de ma passion pour le trail running
En passant le diplôme d’accompagnateur en montagne, le trail running est entré dans ma vie comme une évidence. Dès mes premiers pas sur les sentiers, j’ai été séduit par la liberté et le contact direct avec la nature qu’offrait cette pratique. J’aimais l’idée de me lancer des défis personnels tout en explorant des paysages magnifiques, loin du bruit et de l’agitation du quotidien. Courir en montagne était pour moi une façon de me reconnecter à l’essentiel, tout en améliorant ma connaissance de mon corps et de mes limites.
Entre 2008 et 2012 je courais régulièrement, entre 50 et 70 kilomètres par semaine. Mon approche était simple : pas de montre connectée, pas de GPS, pas de chronomètre. Mon seul guide était mon ressenti, mes sensations et surtout l’envie de savourer chaque instant passé en pleine nature. Pour moi, le trail n’était pas une question de vitesse ou de distance, mais plutôt de plaisir et de dépassement de soi. sans jamais être contraint par un chrono ou des performances. J’appréciais ces moments où, seul au milieu des montagnes, je pouvais me déconnecter du monde et me recentrer sur l’essentiel.
Les raisons physiques qui m’ont poussé à arrêter
Après plusieurs années de pratique régulière et intense du trail running, j’ai commencé à ressentir des douleurs au genou. D’abord légères, elles sont rapidement devenues plus intenses, rendant chaque sortie plus difficile et moins agréable. Même les randonnées, qui étaient autrefois une source de plaisir, ont commencé à me causer de la douleur. Cela a été un véritable choc pour moi, car ces douleurs avaient évidemment un impact sur mon activité d’accompagnateur en montagne.
Après quelques années de souffrance, j’ai décidé de consulter un kinésithérapeute et de suivre un programme de rééducation pour renforcer mes jambes et soulager mes genoux. Grâce à ce travail, j’ai pu retrouver une certaine mobilité, mais mes genoux restaient fragiles. En début de saison, avant de guider des randonnées, je travaillais la rééducation pour me mettre en condition, et chaque fois que je pensais pouvoir reprendre la course, des douleurs apparaissaient rapidement, qui me dissuadaient de courir.
Aujourd’hui, bien que je sente que mes jambes sont suffisamment remusclées pour reprendre un peu de course à pied, j’ai choisi de ne pas le faire. J’ai compris que ma priorité devait être de préserver ma santé et de respecter les limites de mon corps. Forcer une reprise du trail risquerait de faire réapparaitre mes problèmes de genoux et je préfère me préserver pour l’encadrement des randonnées en montagne, activité qui m’apporte beaucoup de plaisir et de satisfaction.
La redécouverte du plaisir de la marche
Avec l’arrêt du trail et de la course à pied, j’ai redécouvert dans la marche une activité qui me permet de profiter de la nature à un rythme plus doux et contemplatif. Ce changement de rythme et surtout de regard, me permet d’apprécier des détails que je n’avais jamais remarqués auparavant : le chant des oiseaux, la lumière du soleil à travers les arbres, les traces d’animaux sur les sentiers… J’ai appris à savourer le moment présent, à mieux observer et m’immerger dans l’environnement, et à ressentir une connexion profonde avec la nature.
En ralentissant, j’ai retrouvé le plaisir simple de marcher juste pour le bonheur d’être en pleine nature, sans forcément avoir un but ou un objectif précis. J’ai, sans le savoir, adopté les principes de la marche naturelle, qui me procure un bien-être à la fois physique et mental. Sans la pression de la performance, j’ai pris le temps de me reconnecter à moi-même, de réfléchir et de méditer tout en marchant. Cette approche plus lente et plus consciente de la nature m’a apporté un équilibre que je ne ressentais plus en courant.
Aujourd’hui, je préfère marcher et prendre le temps de m’arrêter pour contempler les paysages et écouter les sons de la nature. Cette manière plus simple de profiter de l’extérieur m’a non seulement permis de respecter les limites de mon corps, mais elle m’a aussi aidé à redécouvrir une forme de bonheur plus authentique et durable.
Un regard critique sur l’évolution du trail running
En parallèle, je dois avouer que l’évolution du trail running ne correspond plus vraiment à ma vision initiale de ce sport. Cette activité autrefois dotée d’une certaine simplicité est devenue, à mes yeux, trop commerciale et axée sur la performance. La performance personnelle et le dépassement de soi sont remplacés depuis quelques années par un affichage de ses chronos, ses exploits et ses photos sur les réseaux sociaux, créant une compétition constante et une comparaison avec les autres. Le plaisir de courir pour soi, sans pression extérieure, semble avoir été remplacé par une course à l’ego et à la reconnaissance.
Même la randonnée semble suivre ce chemin. Je croise désormais de plus en plus de randonneurs équipés de montres connectées et de smartphones, et qui semblent littéralement obsédés par le nombre de pas ou le kilométrage parcouru. Il me semble que notre relation à la nature a changé. L’objectif ne semble plus être de savourer le moment présent, mais de comptabiliser et de mesurer chaque mouvement, comme si la nature elle-même n’était plus qu’un terrain de jeu à conquérir et à quantifier.
Pour moi, la nature est bien plus que cela. Elle représente un espace de ressourcement, un lieu où l’on peut se reconnecter à soi-même, loin des contraintes technologiques et des attentes sociales. Mon plaisir aujourd’hui est dans une approche plus simple et authentique, où le but n’est pas la vitesse ou la distance, mais le plaisir d’être en plein air.
Du trail à la randonnée : une connexion authentique avec la nature
En m’éloignant du trail running, j’ai retrouvé un réel plaisir dans la marche, qui est porteuse de valeurs de simplicité et d’authenticité. Ce changement de perspective m’a permis de me recentrer sur ce qui compte vraiment : le bien-être, le ressourcement et la connexion profonde avec l’environnement naturel. Le but n’est pas forcément d’accumuler des kilomètres ou d’enchainer les sommets à un rythme effréné, mais au contraire de se laisser guider par son instinct et ses envies, sans contraintes de temps ou de performance.
Dans un monde ou tout va vite, ou la recherche de performance et de rentabilité est poussée à son maximum, je trouve agréable de retrouver des moments ou l’on peut trouver une certaine quiétude. Pourquoi vouloir absolument mesurer, contrôler, calibrer, comparer tous les aspects de notre vie ? Pourquoi s’imposer des objectifs, le dogme de la performance aussi dans nos loisirs ? Débarrassée de tout critère de temps ou de performance, la randonnée redonne tout son sens à la notion de loisir, au plaisir de «prendre son temps». Elle permet aussi de sortir de l’«hyperconnexion numérique» pour retrouver une connexion simple à la nature.
Randonner ainsi, dans le seul but de la découverte, permet de retrouver des plaisirs simples et oubliés. J’apprécie désormais de passer des moments tranquilles à observer un ruisseau, à écouter le vent dans les arbres, ou à simplement m’asseoir et profiter du calme autour de moi. J’ai découvert que la nature offre bien plus que des défis physiques ; elle est aussi un lieu propice à la réflexion, et à la découverte intérieure.
Conclusion
La pratique du trail m’a apporté un contact avec la nature à une époque ou j’étais «jeune cadre dynamique», et où cela avait du sens pour moi. Je courais partout et tout le temps, et il m’apparaissait donc normal de courir aussi dans mes loisirs et dans mon rapport à la nature. Aujourd’hui, je pense que ce qui m’attirait dans le trail a bien changé, avec une pratique qui est devenue très commerciale et superficielle. Loin d’être une privation, l’arrêt du trail m’a permis de découvrir un autre rapport au temps et une autre façon d’apprécier la montagne, plus en accord avec mon évolution personnelle.
Je recherche désormais la qualité des expériences vécues et le sentiment de paix intérieure qu’elles procurent. Cette approche minimaliste et introspective me permet de vivre des moments plus intenses et significatifs, loin de la frénésie du monde moderne. En me libérant des exigences de la performance et de la comparaison, j’ai trouvé une nouvelle façon de m’épanouir et de vivre, plus en harmonie avec la nature.